Telle était la devise de la garde impériale de l’Empereur Napoléon 1er.Héritier de cette unité d’élite, le 94e régiment d’infanterie (94e RI) perpétue cette devise tout en portant le nom de « grenadiers de la Garde » ou « La Garde ». Bien souvent dans les écrits, le régiment n’est pas désigné par son numéro, mais par cette appellation.
Élément de prestige national, la garde impériale, ce corps d’armée d’élite du Premier Empire, était constituée de soldats vétérans destinés à protéger fidèlement l’Empereur des français et à servir de réserve d’élite à la Grande Armée lors des batailles. Elle se couvrira de gloire dans la victoire comme dans la défaite. La Garde, ce corps extraordinaire et sans précédent, restera un symbole d’obéissance, d’héroïsme et de dévouement à la France et à l’Empereur dont le souvenir est impérissable et la gloire éternelle. Composée de vétérans aguerris à la fière allure, présente dans toutes les batailles de l’Empereur, la Garde, avec ses fameux « grognards », était particulièrement crainte par l’ennemi. Elle n’était engagée que pour faire pencher la décision au cours d’une bataille et à des moments propices qui se voulaient être décisifs.
Sa mission principale était la protection de l’Empereur, mais rapidement, elle est devenue une unité combattante. Réserve de la Grande Armée, elle formait son épine dorsale et en était le ciment. Servant de modèle, elle devait être irréprochable. Elle encadrait également les autres troupes, et renforçait la cohésion au sein de toutes les unités par sa seule présence et son comportement. Chaque belligérant se serait enorgueilli en faisant des prisonniers sur le champ de bataille. Mais elle avait une autre fonction psychologique sur l’ennemi par sa composition, la stature de ses soldats, mais aussi par leur grande expérience de l’art de la guerre. Ils étaient équipés du meilleur armement et d’uniformes éclatants. Bien peu s’essayait à venir les provoquer.
« Cavaliers élégants fous de courage et d’audace, artilleurs qui traînaient des tonnerres, fantassins qui allaient au combat habillés comme à la parade, ils sont tous là avec leur panache et leurs défauts, leur gloire et leurs misères, leur grandeur et leurs servitudes… »
Jean Tranié
Historien français (1927 – 2001)
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Pour autant, le 94e RI trouve ses origines un siècle avant le Premier Empire. Crée le 1er janvier 1706, sous l’Ancien Régime, il prend le nom de Royal Bavière. Le 1er janvier 1709, Louis XIV reconnait le régiment. Il est alors engagé en Italie. En 1715, il est renforcé du régiment de Hesse. En 1780, il prend le nom de Royal Hesse Darmstadt. A la Révolution, il devient le 94e RI en 1791 et s’illustre à Valmy (20 septembre 1792).
Par le décret du 21 février 1793, la Convention décrète l’amalgame de l’ex-armée royale et des bataillons de volontaires nationaux. La fusion de troupes anciennes et de jeunes volontaires doit permettre de contrôler l’esprit des soldats, de prévenir la défection des militaires de profession en minorité au sein des soldats républicains et d’amener une amélioration dans la formation des jeunes recrues au contact de l’expérience des anciens militaires.
Le régiment ainsi « amalgamé » prend alors le nom de « 94e demi-brigade de première formation ». Le 16 septembre 1796, il est reformé en tant que « 94e demi-brigade de deuxième formation ». La demi-brigade est engagée à Jemmapes (6 novembre1792) et à Marengo (14 juin 1800). Enfin, le 24 septembre 1803, il est reformé et recréé en tant que « 94e régiment d’infanterie de ligne ».
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Dès 1804, le 94e « de ligne » prend toute sa notoriété et ses premières heures de gloire où l’Empereur, dans sa vision de l’art de la guerre, le forme comme unité d’élite en le désignant comme sa garde personnelle. Il sert d’unité d’appoint pour forcer le destin des armes et influencer, par sa présence, un ennemi souvent impressionné par le renom de ce corps d’élite composé d’hommes d’expérience. En 1809, alors que l’Empereur créé une distinction entre les premiers contingents et une jeune garde, le 94e porte l’appellation : « la Vieille Garde ».
La jeune garde est encadrée par des grognards anciens. Même si la Vieille Garde est considérée essentiellement comme un corps de réserve, le corps d’armée est engagé dans des circonstances bien précises pour emporter la décision ou peser dans une stratégie en venant en apport à d’autres unités engagées face à un ennemi supérieur en nombre. D’où sa devise : « On l’engage pour vaincre ».
Initialement garde consulaire, puis garde impériale, le régiment s’illustre à Austerlitz (2 décembre 1805) où il prend une part importante dans l’attaque du plateau de Pratzen, et à Friedland (14 juin 1807). En 1809, son bataillon d’élite formé par regroupement des compagnies de grenadiers et de voltigeurs prélevées dans tous les bataillons participe aux combats victorieux de Wagram (5-6 juillet 1809) dans l’attaque décisive. Mais c’est principalement dans la difficile campagne d’Espagne que ses effectifs sont durablement engagés, ce qui l’amène à défendre le front des Pyrénées face à la coalition anglo-espagnole lors du retrait de la péninsule ibérique. En avril 1814, grâce à sa défense hardie et désespérée de la citadelle de Bayonne, cette garnison stratégique et son port restent aux mains des Français au moment de l’abdication de l’Empereur. Reconstituée en 1815, la garde impériale se disloque au lendemain de Waterloo après avoir fait preuve, au cours de cette dernière bataille de l’Empire, d’une bravoure pathétique exprimée dans la phrase immortelle de son chef, le général Cambronne : « La Garde meurt, mais ne se rend pas ». De fait, cette dernière est démantelée au soir du 18 juin 1815.
Sous la Restauration, le 94 RI cesse d’exister. Le 16 juillet 1815, comme l’ensemble de l’armée napoléonienne, il est licencié à la Seconde Restauration et le numéro 94 disparait jusqu’en 1854. Partiellement recréé, il participe néanmoins sous le nom de « 19e Léger » à la bataille d’Anvers (1832) lors de la campagne de Belgique, ce qui lui vaut une inscription sur son drapeau (le 94e RI a la particularité, comme tous les régiments d’infanterie portant, à cette époque, un numéro entre le 76e et le 99e, d’être l’héritier des traditions de deux régiments : le 94e régiment d’infanterie de ligne, et le 19e régiment d’infanterie légère).
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Avec le Second Empire, renaît une garde impériale. L’infanterie légère est transformée, et ses régiments sont convertis en unités d’infanterie de ligne. Le 19e prend le nom de « 94e régiment d’infanterie de ligne » en 1854. Le régiment est envoyé pour participer à la guerre de Crimée le 24 octobre 1855. En 1856, il est à Saint-Omer, puis à Rouen en 1869 où il fournit une
compagnie pour former le 102e régiment d’infanterie de ligne.
Au début de la guerre de 1870, le 94e régiment d’infanterie fait partie du 6e corps de l’armée du Rhin, le 1er août. Il se bat à Rezonville (Moselle) où il subit de lourdes pertes. Spécialisé dans la défense des villages, il mène, à partir des bourgades, une série de combats retardateurs particulièrement efficaces et meurtriers face à des forces très supérieures en nombre et disposant d’une puissante artillerie. Finalement débordés par les prussiens, les survivants se retranchent dans la garnison de Metz (Moselle) sur ordre du maréchal Canrobert, jusqu’à sa capitulation le 27 octobre 1870.
Durant la Commune de Paris, en 1871, le régiment participe avec l’armée versaillaise à la Semaine Sanglante. Le 25 mai, son chef de corps est nommé général gouverneur militaire de Paris. Jusqu’en 1872, le régiment reste dans la capitale et rejoint Verdun le 12 septembre. Le 25 juillet 1880, le 94e RI reçoit son drapeau.
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En 1913, son 4e bataillon va former le 2e bataillon du 164e régiment d’infanterie. A la mobilisation en 1914, à Bar le Duc, il donne naissance au 294e régiment d’infanterie. Le régiment se couvre de gloire lors des grandes batailles du premier conflit mondial, ce qui lui vaut les inscriptions sur son drapeau : La Marne-L’Yser – 1914, La Somme -1916, L’Aisne-Verdun – 1917 et Montdidier – 1918.
Le régiment revient à Bar-le-Duc le 2 août 1919.
Au cours de la période de 1940 et 1993, le régiment fait l’objet de dissolutions et de recréations successives. Lors de la bataille de France, il ne lui reste que 2800 hommes sur 3000 après les combats dans la région de Troyes.
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Pendant la guerre d’Algérie, le régiment est recréé le 16 avril 1956 sur le camp de Sissonne. Il est déployé dans les Aurès. Un de ses 4 bataillons devient commando de chasse, face à un ennemi bien armé et déterminé. Selon les Accords d’Évian du 18 mars 1962, le 94e RI créé trois unités de la Force Locale de l’Ordre Algérienne. Entre le 4 juillet et le 15 octobre 1962, les bataillons sont dissous, ou reformés au 39e régiment d’infanterie.
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Le 1er septembre 1967, le régiment renaît à nouveau et s’installe sur la base d’Étain (Meuse). Il quitte Etain en 1980 et il prend garnison sur le camp national de Sissonne (Aisne) avant d’être à nouveau dissous en 1993. En 2005, le camp de Sissonne reprend les traditions du 94e RI. Puis, en 2013, la filiation avec le Centre d’Entraînement aux actions en Zone Urbaine (CENZUB) est établie.
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Alors que la garde impériale en tant que telle a disparu avec la fin du Second Empire, de dissolutions en recréations, de restructurations en conversions, le 94e RI traversera notre histoire
nationale jusqu’à nos jours. Le 14 juin 2013, le nom « 94e RI », son drapeau et ses traditions sont remis et confiés au CENZUB basé sur camp national de Sissonne. Son appellation devient « CENZUB – 94°RI », en 2024. Positionné sur un camp de 6000 hectares, le CENZUB a pour mission de préparer les unités interarmes des forces terrestres en zone urbaine et en espace clos.
Véritable outil pédagogique de l’armée de Terre, il est la référence du domaine d’expertise du combat urbain. Le centre accueille les compagnies (infanterie) et les escadrons (cavalerie) renforcés de leur environnement interarmes pour des exercices d’entrainement au combat, avec des mises en situation identiques à celles de l’engagement réel et des conditions au plus proches de la réalité.
Pour atteindre ce haut niveau de préparation opérationnelle, le centre déploie une force adverse permanente, motorisée, mécanisée et blindée. Un village de combat pour l’acquisition des savoir-faire et une ville de combat étendue sur 1 km2 pour les exercices proprement dits ont été construits sur le camp. Un système de simulation instrumentée permet le suivi en temps réel du positionnement des acteurs, la restitution des tirs et de leurs effets, la représentation des destructions et le bilan des pertes (fictives) subies. Un centre opérations assure la conduite des exercices. Une cellule d’analyse et de restitution des données, cœur pédagogique du centre, à la mission d’évaluer et de faire progresser les unités. Des observateurs accompagnant les acteurs (jusqu’au niveau section) sont déployés sur le terrain, pour le contrôle, l’évaluation, le conseil tactique et la sécurité des exercices.
Un complexe de tir en zone urbaine est dédié aux tirs spécifiques à balles réelles allant du niveau individuel au niveau section de combat.
Les noms de 9 batailles s’inscrivent en lettres d’or sur le drapeau : Valmy – 1792, Marengo – 1800, Austerlitz – 1805, Friedland – 1807, Anvers – 1832, La Marne-L’Yser – 1914, La Somme – 1916, L’Aisne-Verdun – 1917, Montdidier – 1918, ainsi que l’inscription AFN – 1952/1962 (Afrique Française du Nord). Sa cravate est décorée de la croix de guerre 1914-1918 avec 5 citations à l’ordre de l’armée puis une citation à l’ordre du corps d’armée. Le régiment porte la fourragère aux couleurs du ruban de la Médaille militaire.
es racines de ce glorieux régiment, loin d’être un simple héritage, donnent la force et la détermination à ses « grognards » des temps modernes pour affronter les défis d’aujourd’hui et de demain.
« A la Garde ! »
Article proposé par Christian LE MELINER
Adhérent de notre association