En mémoire des soldats « français » (terme général donné par les anglais, incluant, des allemands, italiens, belges, hollandais, espagnols, portugais, polonais, russes, suisses, danois, suédois, américains et africains) tous ceux qui ont combattu pour Napoléon.
Prison du Dartmoor 1809-1816.
Princetown, Devonshire. Angleterre.
Décrivons Le Dartmoor, sa localisation en Angleterre, sa composition géologique et son climat, ceci, dans le but d’expliquer l’environnement de la prison.
Le Dartmoor est une région montagneuse du centre du Devonshire, (950 km2), au nord de Plymouth, il est célèbre pour la rudesse de ses paysages de landes, de roches granitiques et de tourbe. A l’est, et, au sud-est, on découvre des vallées boisées, des ruisseaux, s’écoulant en cascades et, de petits villages. (Voir photos, carte géographique, landes).
Princetown, est attachée à la paroisse de Lydford, une petite ville sinistre à environ 1400 mètres au-dessus, du niveau de la mer, avec un climat abominable de neige, de vent et de 80 pouces de pluie, voire plus…L’endroit, le moins convenable qui aurait jamais pu être choisi pour une ville, mais, ce site a été décidé par Monsieur Thomas Tyrwhitt,
Le Prince de Galles, détenant, les terres du Duché de Cornouailles, auxquelles appartenaient toutes les landes, donna ce site, jugeant, inacceptable, les conditions de vie sur les bateaux-pontons, d’où le nom de Princetown.
Ici, dès 1780, Sir Thomas a récupéré quelques fermes, en fit un domaine productif, construisit une maison en 1798, et, plus tard, il contribua à la construction de la route Tavistock-Princetown, puis d’autres routes, qui traversent, désormais le Moor.
C’est, également, Sir Thomas, qui proposa, qu’une prison soit construite, sur le Moor, pour abriter les milliers de captifs des guerres napoléoniennes. Elle a été commencée en mars 1806 (architecte, Daniel Alexander) au coût de 130 000 £, par les entrepreneurs environnants, à l’aide de la carrière de granit, juste à la sortie du village. Le premier travail fut la construction d’un réservoir d’eau, (photo jointe) placé sur le devant, opposé à l’entrée de la prison, dont l’écoulement provenait de la rivière Walkham, toute proche.
Une petite ville s’est développée près de la prison. Deux grandes auberges ont été construites pendant la guerre. L’une d’elles, est l’actuel Duchy Hotel.
A l’engorgement des bateaux-prisons (pontons, ou hulks) basés à Plymouth (voir photo), fut prise la décision de la réalisation de la prison du Dartmoor. Le 17 mai 1809, l’agent pour le Dartmoor, Captain Isaac Colgrave, décida du premier déplacement de 2500 prisonniers « français » des pontons, de Plymouth, à travers les landes jusqu’à la prison (nombreuses heures de marche), (photo tableau) arrivant le 24 mai 1809, pour trouver les travaux de construction, inachevés. Pendant le reste de l’année, près de 5000 hommes supplémentaires sont arrivés.
La prison était déjà pleine en 1811, deux autres blocs devaient être construits pour la population, toujours croissante. Cette fois, ces blocs ont été construits par les prisonniers « français ». Ce n’était pas pourtant du travail d’esclaves, les prisonniers étaient payés pour cette construction.
Description générale de la prison : (voir plan)
- Un chemin circulaire, de 15 acres, enserrant 5 blocs de prison, (voir photos).
- Un hôpital,
- Un bâtiment séparé, pour les officiers,
- Un réservoir d’eau,
- Porte centrale de la prison, portant la mention latine
« Parcere Sybjectis » (Epargner les Vaincus).
- La porte de gauche de l’enceinte, était réservée à l’accès aux cimetières (actuellement, murée).
- Plus tard, l’église St-Michael et de tous les Anges, dont la construction fut commencée en 1812, dans le village de Princetown, par les prisonniers français et américains (voir photo) ne fut achevée qu’en 1815, due à de
- nombreux problèmes de matériaux. (lieu unique en Grande-Bretagne).
Conditions de vie dans la prison
Ration de nourriture journalière :
- 1 lb de pain (453 gr)
- ¾ lb de bœuf frais (340 gr)
- ½ pint de pois (236 ml)
- 1/3 oz de sel (9 gr)
- 1 quart de bière (1,137 l)
La ration de bœuf était remplacée par du poisson, le vendredi, pour ceux qui le voulaient, et, du beurre ou du fromage, le samedi.
En plus de cela, un marché quotidien se tenait dans la prison, où les prisonniers pouvaient acheter ou échanger des marchandises contre de la nourriture. Ce commerce quotidien, encourageait les prisonniers à fabriquer des modèles et des jouets, à l’aide d’un couteau ou d’une aiguille, ils creusaient des os d’animaux, (boneworks) qu’ils pouvaient échanger contre des marchandises.(voir photos).
De même, beaucoup de prisonniers marins, avaient des « prize-money » ou « parts de prise » La Marine considérait que, tout navire capturé à l’ennemi, et, afin d’encourager les marins, il devint coutumier de répartir, entre eux, une somme correspondant à la valeur estimée de la capture. Ce « prize-money » conservé, pouvait, également, servir de monnaie d’échange, la monnaie du pays de la nationalité du prisonnier, étant valable sur le marché.
Literie :
- 1 hamac,
- 1 matelas rempli de paille,
- 1 oreiller,
- 1 couverture.
Vêtements :
- 1 chapeau,
- 1 veste,
- 1 gilet,
- Pantalons,
- 1 chemise,
- Chaussures,
- Bas,
- 1 mouchoir.
La prison était prévue pour 5000 prisonniers. Chaque block pouvait contenir 1000 prisonniers (500 hommes par étage).
Pas de cellule individuelle, les hommes dormant dans des immenses dortoirs, sur des hamacs, suspendus par deux poteaux en métal. Les fenêtres étaient petites, ventilation très faible, l’eau était amenée par des tuyaux, venant du réservoir, construit en face de l’entrée de la prison.
Dès 1812, arrivée des prisonniers américains, suite à la guerre déclarée entre les anglais et américains, le roi George IV, 6) refusant d’accepter l’indépendance américaine. Un nombre affluent de population, augmenta la surpopulation, bien au-delà du possible, et, devint un sérieux problème.
Entre 1809 et 1815, approximativement, 1500 hommes sont morts (1217 « français » et plus de 271 américains).
Outre, les décès, dus aux suicides, à la malnutrition, ceux, tués par les gardiens, lors de tentatives d’évasion, les meurtres entre prisonniers, les punitions, mises aux cachots, ou ceux, exposés aux vols, ayant perdu toutes leurs possessions, subissant l’humidité et fraîcheur extrêmes des bâtiments, beaucoup, sont morts, également, par les maladies, le typhus, la variole, les fièvres, les pneumonies.
Plusieurs prisons fermées en Angleterre, existaient, notamment, quatre en Ecosse. 52 % des prisonniers, étaient issus de l’Infanterie, les autres, de la Marine.
Prisonniers «sur la parole » ou « cautionnements »
Sur chaque bateau-prison, un officier anglais, était présent, pour désigner, quels officiers ou soldats, pouvaient être déplacés dans des « parole-towns » sous convention de prêter serment, engagement sur l’Honneur, à toute tentative d’évasion, et selon la possibilité de leurs propres moyens de financement, une fois, installés. De même, dans chaque ville ou village, répartis dans toute l’Angleterre, les « Parole Agents» étaient présents, afin de contrôler l’officier ou soldat « sous parole d’honneur ». Ceux, qui ne la respectaient pas, se voyaient, retourner sur les pontons, ou prisons fermées.
Suite à la fin de la guerre avec Napoléon, en juin 1815, dès 1816, tous les prisonniers étaient partis et la prison est restée vide jusqu’en 1846, lors du début de la production de gaz et de pétrole, extraits des tourbes du Dartmoor.
En 1850, la prison a été ouverte de nouveau, pour accueillir, des prisonniers condamnés, et, a été utilisée dans ce but, jusqu’à aujourd’hui.
Entre 1865 et 1868, le Gouverneur en place, a jugé, inacceptable, que les restes des prisonniers, soldats « français » napoléoniens, et américains, soient mis à découvert, par les bêtes sauvages, et intempéries, dans l’unique cimetière, adjacent la prison.
Il dirigea un groupe de prisonniers pour extraire les os du champs-cimetière. Il n’était plus possible d’identifier les restes, des « français » des américains. Le Gouverneur décida de diviser, en deux parties égales, les os, et de créer deux cimetières séparés.
Deux obélisques ont été érigés par les Anglais, pour chaque cimetière, avec une mention identique « Dulce e Decorum est Pro.Patria Mori » tiré d’une strophe du poète Horace.
« Il est doux et Honorable de mourir pour sa Patrie »
(voir photos).
La date, 1815, sur l’une des portes du cimetière français, est erronée, car, il faut rajouter les soldats « français » capturés, après la bataille de Waterloo, en juin 1815, et décédés en captivité, jusqu’en 1816, date de fermeture de la prison.
Côté cimetière américain, un « mur » a été érigé, avec tous les noms gravés, des soldats, morts en captivité (voir photos), Association de Charité américaine.
Côté cimetière des « français », seul, le champ, sans mur nominatif, est resté tel quel. Une plaque a été installé sur l’obélisque, le 24 mai 2009, date du bicentenaire de l’arrivée des premiers prisonniers « français », ainsi, qu’une plaque dans l’église St-Michael et de tous les Anges, construite par les « français » et américains, en la présence de l’Ambassadeur de France, à Londres, son Excellence,
Monsieur Gourdault-Montagne, autres dignitaires français et anglais, ainsi que des descendants de marins et soldats français, de France, prisonniers à Dartmoor-prison. (voir photos).
Pour indication, les noms de tous les soldats prisonniers « français », sont notés, sur des registres, préservés aux Archives Nationales de Londres.
9) REMERCIEMENTS :
Je voulais, tout particulièrement, infiniment, remercier,
Monsieur Paul Finegan, Curator du Musée Dartmoor-Prison, créé en 1997, pour son accueil, sa gentillesse, ainsi que sa disponibilité à me fournir multiples informations sur ce sujet.
Une belle rencontre. Il connaît »son sujet » et tient « à cœur » son musée.
Madame et Monsieur, Sharon et Duncan Heath, mes amis anglais, une mention spéciale, pour les remercier, de m’avoir véhiculée et de leurs connaissances précieuses, sur leur région du Dartmoor.
Coordonnées du Musée.
Dartmoor Prison Museum
HMP Dartmoor,
Princetown, Nr Yelverton
Devon PL2O 6RR
Téléphone : (+33) 1822 322130
www.dartmoor-prison.co.uk
Article et images : Maryse SABATIER
1 Comment
It was a pleasure to meet you Maryse and I’m glad you had a very fruitful visit.